DAC Sonnet Morpheus

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Sur les conseils d’un gentil ami qui se reconnaitra, j’ai testé ce petit appareil, qui n’aurait sans cette incitation peut-être pas retenu mon attention… En effet, bien que proprement réalisé, c’est un appareil tout simple en apparence, discret sans signe distinctif apparent, rien qui ne laisse supposer des performances sortant du lot… Mais il faut faire confiance à ses amis !

Commençons donc par l’extérieur donc, avec en face avant un potentiomètre pour le volume, volume qui peut être verrouillé par appui simultané des 2 boutons de droite, sélection des entrées et mise en veille.

Le petit afficheur au centre rappelle l’entrée sélectionnée et le niveau du volume. A l’arrière, on trouve 1 entrée USB (ou I2S sur demande via une carte optionnelle), 1 coax, 1 optique et 1 AES/EBU. Pour la sortie analogique, on a le choix entre RCA et XLR. Rien à dire sur le coffret, propre et somme toute très basique. La télécommande (en alu noir propose la mise en route/veille, le changement de source, le contrôle de volume, et la fonction Mute.

Ce DAC a été conçu par Cees Ruijtenberg, officiant auparavant chez Metrum. Il est de conception symétrique, avec 2 modules par canal en mode différentiel. Les 24 bits nécessaires sont obtenus avec 2 modules DAC de 16 bits dont seulement les 12 bits les plus forts ont été conservés. Cette technique permet une linéarité maximale et un fort recul du niveau de bruit. L’implantation a été extrêmement optimisée afin de limiter au strict minimum la longueur des pistes, et ainsi limiter les colorations et maximiser le naturel de restitution. De même la conception a visé à diminuer autant que possible la consommation d’énergie (moins de 8 watts) , ce qui offre de nombreux avantages : 1 seul transformateur torique de 15VA, moins de courant, moins de bruit, moins de radiations électromagnétiques, moins d’émission thermique… Donc moins de perturbations du signal audio. Le contrôle de volume se fait par variation de la tension de référence, donc virtuellement sans aucune perte : le Morpheus peut donc être relié directement à un bloc de puissance.

Le Morpheus a été testé avec les sources Auralic Aries G1 et G2.1, amplification Electrocompaniet ECI6 et Audio Analogue Maestro, enceintes JOY, Nel Ultime, Nora. Comme toutes les sources numériques, prévoir une période de rodage de minimum 1 semaine en mode intensif (CD de rodage). Une fois rôdé, il est préférable de le laisser sous tension, il lui faut sinon minimum 12 heures de chauffe pour qu’il se livre totalement. Mise en condition pour une écoute critique, et c’est parti ! Le premier mot qui vient à l’esprit est “déstabilisant” ! Je n’aime pas trop dire qu’un produit surpasse des concurrents bien plus chers (c’est beaucoup trop entendu), mais là, on joue avec un DAC à 3500 €, ce qui représente certes une somme, mais encore raisonnable, et c’est littéralement une grosse claque musicale ! Arrive toujours un moment quand on fait ce métier ou l’on rentre dans une sorte de routine d’écoute, et je dois bien avouer que ce petit appareil m’a réveillé et m’a donné la banane, avec de longues heures à repasser tous mes morceaux préférés, et d’autres… Si j’osais, je dirais que c’est un appareil qui plaira certainement aux amateurs éclairés de vinyle (si si), et assurément aux mélomanes, quel que soit le style musical, je vais essayer d’expliquer pourquoi ensuite… La comparaison avec d’autres appareils est difficile à décrire sur la base des critères habituels, le Morpheus fait partie de la toute petite famille de produits qui nous font oublier les watts, le nombre de transistors, les puces de tel ou tel fabricant, le type de fichier, les tweeters et tout le reste, il efface totalement la technologie pour nous immerger dans la musique. Pour tenter de décrire ce qui se passe, je dirais qu’il propose la musique comme on l’entend en vrai ; je m’explique : dans un concert acoustique, les voix et les divers instruments émettent chacun d’un emplacement différent dans l’espace, mais en même temps tous ces sons se propagent et se réverbèrent dans l’espace du concert, pour partie se mélangent entre eux, et forment cette harmonie musicale si agréable. La majorité des sons qui arrivent à nos oreilles est en effet le résultat des sons mélangés et réfléchis par l’environnement, et seulement une petite partie est représentée par le son direct de la voix ou de l’instrument directement à l’oreille. Et c’est là que le Morpheus fait la différence : chaque chanteur est bien à sa place, chaque instrument également, on a accès à tous les micro-détails de manière bien localisée et extrêmement intelligible, mais les voix et les instruments partagent bien le même espace, il n’y a aucune rupture, on ressent une continuité parfaite dans l’espace. Même si évidement ce qu’on écoute est reconstitué à partir de multiples micros, on peut supposer que le Morpheus est très respectueux des touts petits signaux qui traduisent l’espace d’enregistrement, et typiquement sur les Live, il parvient à conserver de manière magistrale ce lien entre les différentes sources. Le cerveau adore ça, parce que c’est comme dans la vraie vie, c’est facile à comprendre, c’est cohérent et ça sonne profondément vrai. Cette particularité permet au Morpheus d’être extrêmement discriminant sur les prises de son et sur le mastering, on perçoit “l’assemblage” de manière différente et très facilement d’un morceau à un autre. La scène sonore s’épanouit totalement en largeur, sans limite ressentie. La profondeur est ressentie de manière particulière, avec une sensation de perception de chaque instrument en 3D, il n’y a pas seulement des instruments plus devant ou plus en retrait, ils ont chacun leur propre épaisseur, leur propre profondeur, leur propre volume dans la scène sonore. Hormis cette présentation rarement rencontrée (même en montant sensiblement en tarif), le respect des timbres est également exceptionnel, avec une intégration de l’ensemble des registres d’une justesse extrême. Tout est très facilement compréhensible, la taille et la nature des peaux, le toucher des baguettes ou des balais, la finesse de vibration de la caisse de la contrebasse, les bruits de bouche… La perception des micro-réverbérations est également surprenante, avec un ressenti physique de l’espace dans les enregistrements Live. On perçoit une rapidité exemplaire dans le suivi mélodique, et en même temps un niveau de silence rarement entendu. Le médium est d’une très grande richesse, les voix sont pleines, charnelles, incarnées et sans artefact électronique. Le grave laisse apparaitre toutes les micro-nuances, il apporte une intelligibilité et une richesse incroyables, même sur des morceaux extrêmement denses et complexes à restituer (You should see me in a crown de Billie Eilish). Enfin, last but not least, on n’entend absolument pas les tweeters, et ça c’est rare, même sur des appareils (très) chers ! le registre aigu reste toujours parfaitement intégré, il ne sort jamais de la musique. Mais attention, ça n’est absolument pas synonyme de manque de détail, bien au contraire ! On n’est pas pollué par une brillance artificielle, et on a accès à toutes les nuances, même les plus infimes, de manière extrêmement intelligible, à la fois sur les attaques, la propagation dans l’espace et sur les extinctions de notes. Le niveau de transparence est étonnant, mais on ressent en plus ce sentiment de justesse, car il n’y a absolument aucun effet loupe, aucune sur-spatialisation, aucune joliesse… Pour autant cette écoute n’ennuie jamais, elle est au contraire addictive, génératrice d’un plaisir intense, quel que soit le style musical ! Les audiophiles les plus extrêmes (et les audiopathes) ne s’y retrouveront peut-être pas, car ici l’objectif n’est pas de savoir qui entend le triangle au fond à droite le plus fort… On est dans l’immersion musicale au sens noble du terme, dans l’émotion et dans le vrai. Même si on l’entend très bien, ce triangle, l’intérêt est ailleurs. On ressent plus qu’on écoute, cet appareil nous emmène au delà du simple sens de l’ouïe…Si vous aimez vraiment écouter la musique (plus que votre matériel), vous je vous invite à venir découvrir ce petit appareil, même si votre budget flirte avec les 8000 ou 10 000 €…

Un mot sur la mise en oeuvre : le Morpheus dispose de pieds caoutchouc basiques, compte tenu de son énorme potentiel, le positionner sur des pieds anti vibratoire (neutres) est à mon sens essentiel ! Excellents résultats avec les Hifistay Ballerino 45 ou mieux encore les Soft Gelly. Même avec ce surcoût, le rapport musicalité/prix est exceptionnel. Un gros coup de coeur!